Emmanuelle Bec inscrit son travail dans une pratique d’écriture et de dessin. Elle définit sa démarche artistique comme sa manière de marcher sur le chemin jalonné de ses pensées. Ses réflexions et recherches sont en rapport constant avec l’écrit, par ce qu’il est à la fois geste, mise en forme de la pensée et proposition à lire. Ses productions prennent la forme de dessins, vidéos, photographies, textes ou installations.
Elle fonde son travail sur la notion de corps sentant en porosité avec le monde (d’après Merleau-Ponty) et plus spécifiquement, sur la notion du féminin, dans une perspective phénoménologique telle que celle développée par la philosophe contemporaine Camille Froidevaux-Metterie.
Son travail est sous-tendu par une recherche de justesse des éléments constitutifs et par un positionnement réflexif sur les techniques employées. Ainsi il est nécessaire de prendre en compte le temps de la création par l’exploration de son processus même. Dans sa forme, il tend au dépouillement et il se détache de la représentation. Une constante en est le lien à l’écrit, ce dont témoignent les titres des œuvres, titres qu’elle attribue a posteriori, à partir d’extraits de livres ou de textes personnels.
Auparavant organisées en séries centrées sur le dessin, ses productions récentes incluent l’utilisation de la photographie, d’enregistrements sonores, de films vidéo ou Super 8, et se développent selon l’espace d’exposition.
Ainsi le projet Appendice ou Est-ce que votre orteil ressemble à un clitoris ? présente plusieurs facettes : à la fois installation, dispositif photographique, projection d’images et tirages sur papier. Cette installation exposée (voir photographies page suivante) devient dispositif photographique en interaction avec le public : sont alors disposés un projecteur de lumière, un trépied et un appareil photographique 6x6 pour la réalisation de portraits de petit orteil, sur une scène consistant en une chaise, un coussin et un drap fendu et brodé.
Ici à travers la proposition de photographier le quintus, Emmanuelle Bec interroge la notion de vulnérabilité, et les mouvements relationnels dans le présent. Les portraits de quintus réalisés en diapositive seront projetés en grand format et confrontés à des tirages photographiques d’une image du format original 60mm par 60 mm. La perception du corps bascule dans ce rapport d’échelle.
Avec la notion d’un corps qui sert à comprendre le monde, Emmanuelle Bec interroge la question de la matérialité d’une pensée, qui se transmettrait en parole, prononcée ou écrite. Son propos peut se résumer à je suis un corps féminin sentant et pensant, c’est là d’où je parle. Sa réflexion s’accompagne aujourd’hui d’un questionnement sur l’équilibre, qui passe par l’instabilité du mouvement, comme le balancement de notre corps agit par la marche.