Emmanuelle Bec énonce des hypothèses de la forme de ce qui est de l’ordre du sensuel dans le corps du dessin, elle questionne avec pudeur la zone où l’ombre et la lumière se fondent dans des
palettes de gris. De cette manifestation de l’entre-deux de l’inconscient, de ses interstices, le sujet tire son essence dans les traits du crayon. Palimpseste, insaisissable dans sa complétude,
son dessin se montre et s’efface lors de sa production, il émerge, se dérobe à nouveau pour se fondre dans des kaléidoscopes de formes nébuleuses ou incrustées, avec un parti pris graphique et
minimal.
Sur la peau du papier, à la mine de graphite, Emmanuelle Bec travaille au corps cette dualité qui rythme son dessin : le trop la trace, le vide le plein, le gras le sec. Apparente contradiction
entre puissance et fragilité, le dessin dit la sensualité du corps.
Son dessin va à l’essentiel. Il est issu de ses recherches autour de la déstructuration – restructuration du dessin. Épuré dans ses couleurs, il se fait gris ou noir et dévoile une
cartographie de son sujet. Il définit un espace blanc dont les formes anguleuses ou organiques s’ouvrent et se déploient au fur et à mesure des séries engagées, de HOME2 à
Délivrances. La série En filigrane voit le corps du papier écorcé, écorché, qui a pour effet d’entrer en résonance avec le dessin, devenant lui aussi sujet dans ses
transparences. À la fois témoin et révélateur de la construction d’un soi intérieur en découverte et en expansion, le papier se fait peau.
Dans le corps même de la matière, papier, pierre ou métal, Emmanuelle Bec poursuit la traque de son sujet dans un travail de la surface, l’effacement et l’empreinte comme autant de façons
d’explorer les zones d’oubli de la mémoire.